Tous sur le galoubet tambourin

PRINCIPAUX FACTEURS COMPTEMPORAINS D’INSTRUMENTS :





André Fabre (Barjols), Gérard Superbe (Fos-Sur-Mer), Francis Martino, dit " Antoine " (Orgon), Pierre-Olivier Ginestière (Peynier), Jean-Pierre Magnan (Orange). C’est une liste non exhaustive, il en existe d’autres en Provence et ailleurs.


LE JEU


Le tambourinaire est un quasiment un homme-orchestre. Il assure la mélodie (avec le galoubet), le rythme (avec le tambourin), et le bourdon (avec la chanterelle). En effet, la chanterelle, ficelle tendue sur la peau de dessus, doit vibrer continuellement, elle tient lieue de bourdon indispensable à tout instrument traditionnel, héritée de la Basse Continue baroque.


 Ecriture solfégique :

La musique pour galoubet-tambourin est écrite. La partie de galoubet s’écrit en clef de sol. Toutefois le galoubet sonne approximativement deux octaves au-dessus des sons notés.
La batterie du tambourin quant à elle est rarement notée. Quand elle l’est, il s’agit d’une ligne de percussion située au-dessous de la partie de galoubet.


LA PRATIQUE HISTORIQUE



« Flûtes à trois trous » et percussion du Moyen-Age :

Fortement présente et très pratiquée sous diverses formes dans toute l'Europe du Moyen-Age, la pratique de la « flûte à une main et tambour » a peu à peu disparu d’Europe au cours de La Renaissance. L’ensemble flûte à trois trous et tambourin s’est tout de même maintenu dans certaines régions et entre autres en Provence.

On trouve donc encore aujourd’hui des flutes à trois trous sous des formes diverses au Pays-Basque, en Catalogne, en Andalousie, aux Baléares, en Flandres, en Angleterre, en Sardaigne, dans les Pyrénnées et même en Amérique Latine.

De l’époque médiévale, beaucoup de représentations de « flûtes tambourines » nous montrent de longs flûtets et des petits tambours, même en Provence. L'instrument médiéval a donc subi des transformations comparé à celui que nous connaissons aujourd’hui. Le flûtet s'est rétréci pour donner des sons très aigus, alors que le tambour s'est grandement allongé.

En Provence, l'instrument semble s'être fixé dans ses formes et ses dimensions actuelles au XVIII ème siècle. C’est également de cette époque que remontent les premières partitions écrites spécifiquement pour galoubet-tambourin provençal.


Du Tambourin à Paris :

Et curieusement, les plus anciennes partitions connues pour galoubet-tambourin sont parisiennes. La « Suite Nouvelle pour deux flûtets » de Marchand, tambourinaire et bassoniste à l'Académie Royale de Musique, est publiée à Paris au milieu du XVIII ème siècle. Il s’agit de partitions imprimées de courts duos écrits pour « flûtets en dièses ».


La mode champêtre :

Ainsi, au milieu du XVIII ème siècle, des tambourinaires jouaient à Paris en duo et même dans les théâtres avec l’orchestre.

Le règne de Louis XV, qui voit la naissance de la mode Champêtre à travers tous les courants artistiques et la musique en premier lieu, ne fera que développer cette présence. A la Cour, comme dans les riches salons de Province, on se dispute ces musiciens qui jouent et écrivent de la musique savante pour instruments rustiques. Ainsi le tambourin, comme la vielle à roue, la musette, les flûtes à bec sont pratiquées à Paris par des musiciens de renom. Cette mode influencera beaucoup le style et la pratique provençale.


Les tambourinaires de Provence :

Mais à la fin du XVIII ème siècle, c’est bien sur en Provence que les tambourinaires sont les plus nombreux. A Marseille, un recueil de Jean-Raymond Cavailler -de plus de trois cents pièces- et qui date de 1771, témoigne de la richesse du répertoire et de la technique de nos devanciers. Dans le même temps, Les « Arnaud père et fils » composeront nombres de pièces (surtout des menuets) - de facture assez savante- pour nos instruments. Ils auront l’honneur de diriger les 36 tambourinaires qui accueilleront le Frère du Roi en 1777.


L’âge d’or :

Ainsi, les recherches affirment que c’est entre 1750 et 1830, que les tambourinaires sont les plus nombreux et les plus employés. On trouve des tambourinaires sur une grande étendue géographique. Les tambourinaires animent les fêtes dans les villages comme dans les grandes villes et surtout, ils font danser les populations. Leurs répertoires s’en ressentent.

Mais, ils sont pour la plupart doubles instrumentistes et connaissent la musique de concert et les règles de la composition.

A cette époque en Provence, aucune fête, cérémonie, manifestation, commémoration, célébration populaire ou religieuse ne peut avoir lieu sans la présence d’un ou plusieurs tambourinaires.

Ils sont, pour la plupart, semi-professionnels et n’hésitent pas à faire payer leur prestation. Les bals sont très courants à cette époque et un seul tambourinaire doit pouvoir faire danser les habitants pendant trois à quatre heures...


Le déclin :

La deuxième partie du XIX ème siècle, poussée par de grands progrès techniques, voit la disparition des particularités régionales. Ce qui sera vrai pour les langues, ou les costumes se vérifiera pour le tambourin de Provence.

Ainsi, avec les progrès de la lutherie moderne, les tambourinaires sont concurrencés par des formations d’instruments de cuivres au fort volume sonore.

La pratique du tambourin se perd donc, au grand dam de certains qui regrettent que meure une tradition. Ils vont donc tenter de la sauvegarder.


La sauvegarde :

Ce fut entre autres l’action du Félibrige fondée en 1854. Sept poètes de langue provençale avec à leurs têtes Mistral, fondent le félibrige, association littéraire qui veut sauvegarder, défendre et promouvoir la Langue Provençale. Ce courant littéraire entraînera un renouveau qui profitera à toute la culture provençale. Grâce à ce nouvel engouement et par l'œuvre (plus littéraire que musicale) de François Vidal " Lou Tambourin ", la pratique du galoubet tambourin pourra être sauvée.


De l’instrument de musique à l’instrument identitaire :

" Lou Tambourin " de François Vidal Cadet, publié en 1864, est à la fois une notice de présentation de l'instrument, une méthode et une présentation du répertoire du tambourin. En effet, Vidal recense et note en fin d'ouvrage des pièces musicales qu'il appelle " Airs nationaux de Provence ". Par cette action, il codifie des mélodies qui deviendront les airs folkloriques par excellence. Certes, il réduit le répertoire mais par cette codification il sauve notre instrument d’une mort certaine.


Des groupes folkloriques :

Au début du XX ème s., des groupes de tambourinaires se créent. « Les tambourinaires de Magali » à Toulon en sont un bon exemple. Ils participent aux manifestations félibréennes, et maintiennent un répertoire assez riche et développé. Au cours du XX ème siècle, ces groupes seront rejoints par des danseurs pour créer les groupes folkloriques. Succès aidant, ce mouvement ne fera que se développer et un nombre considérable de groupes verront le jour en Provence. Depuis lors et jusqu’à aujourd’hui, l’énorme majorité des tambourinaires sera associée aux danseurs folkloriques.


De la redécouverte et de la promotion du répertoire :

Le grand succès des groupes folkloriques a permis de former un grand nombre de tambourinaires. Cependant, la plupart ont un faible niveau et se contentent de rejouer -tant bien que mal- un répertoire codifié très simple.

Au cours des années 1950, sous l’impulsion, entre autres, de Maurice maréchal et de Marius Fabre, on cherche à redécouvrir la pratique historique de l’instrument provençal. En examinant les carnets anciens, on redécouvre un répertoire très riche, très variée et surtout d’un niveau technique solide.

L’urgence sera donc de publier et diffuser ces partitions le plus largement possible. Ce sera le travail de la commission de la Musique de la « Fédération » puis du Rode de Basso Prouvenço. Les résultats de ce travail ne se font pas attendre et rapidement, on fait entendre en concert le galoubet-tambourin, et il redevient un instrument à part entière. Partout, on rejoue des pièces anciennes, on enregistre des disques et on compose aussi des pièces nouvelles pour cet instrument.

Et aujourd’hui... Le galoubet-tambourin est à l’heure actuelle, présent sous toutes les formes, des plus conventionnelles aux plus audacieuses. Tantôt instrument de musique folklorique ou traditionnelle, tantôt instrument de musique ancienne ou baroque, souvent populaire, il peut également se faire savant. Il se mêle avec joie aux orchestres les plus classiques comme aux quatuors de Jazz ou aux musiques contemporaines expérimentales !

Joué par des provençaux, qui ont conscience de l'être, il restera de fait provençal, mais lassant une grande liberté à celui qui en connaît les secrets.


L’EVOLUTION DU REPERTOIRE A TRAVERS LES AGES


Les tambourinaires ont toujours adapté leur répertoire à la mode du temps. Ils ont transcrit (ou composé) et noté dans leurs carnets, nombre de pièces de concerts ou de danses.


Airs de danses :

L'ensemble galoubet-tambourin est avant tout un instrument à danser. D’ailleurs, c’est la main droite qui privilégie le rythme et délaisse à la main gauche la mélodie, qui est, somme toute accessoire pour la danse.

Voici quelques exemples de danses qui figurent dans le répertoire de la flûte de tambourin.

Dans toute l’Europe occidentale du Moyen Age on danse principalement l’Estampie accompagnée à la flûte et tambourin. La flûte à une main et percussions peut intervenir aussi dans certaines danses de la Renaissance comme les Branles, les Gaillardes, les Tourdions, ou les Pavanes...

En Provence, à la fin du XVIII ème siècle, on a retrouvé, dans les carnets de répertoire des tambourinaires provençaux des airs à danser : essentiellement le Menuet et la Tournée, mais également, la chaconne, la gigue, le tambourin, ou le rigaudon...

En Provence comme ailleurs en France, la danse reine de la première partie du XIX ème siècle est la contredanse. Puis viendront le quadrille (qui n’est qu’une compilation de contredanses), et la Polka.

Puis à la fin du siècle, toute l’Europe (y compris les provençaux) danse la mazurka, et la valse.

Au début du XX ème siècle, les derniers et rares tambourinaires qui animaient encore les bals jouaient des One-steps ou des fox-Trott…

Le XX ème siècle voit aussi l'apparition d’un répertoire folklorique inspiré de l'ouvrage de Vidal (1864) " Lou tambourin".


Airs de concert :

On voit aussi dans les carnets de tambourinaires, à coté des airs de danses, des airs destinés au concert.

La musique parisienne pour tambourin du XVIII ème siècle est essentiellement des pièces destinées aux petits concerts. Sonates, concertos, suites à deux flûtets constituent la grande partie du répertoire.

En Provence, les tambourinaires aussi, composent des pièces de concert. Dans les carnets, on voit que les airs à variations tiennent une bonne place ainsi que les transcriptions d’ouverture d'opéra comique et les grands airs d'opéra. Les menuets, les marches, les contredanses de concert, et plus tard, les polkas « à coups de langue » complètent ce répertoire.

La composition pour galoubet en tant qu’instrument concertiste a surtout repris après 1950 et se développe encore aujourd’hui.


PERSONNAGES et PERSONNALITES


Principaux tambourinaires et compositeurs «anciens» pour tambourin : Milieu du XVIII ème siècle : Chedeville (Paris), Lemarchant (Paris), Lavallière (Paris),

Fin du XVIII ème siècle : Severan (Marseille), Arnaud père et fils (Marseille), J.R. Cavailler (Marseille), Chateauminois (Aix-en-Provence, Paris) Michel (Aix-en-Provence),

XIX ème siècle : Ludovic Lombardon, Fortune Cayol, François et Gaspard Michel ( Aix-en-Provence) Charles Imbert (Marseille), François Vidal (Aix-en-Provence), Tistet Buisson (draguignan, Paris), Antoine-Pascal Bonnefoy (Aix-en-Provence)

XX ème siècle : Alexis Mouren (Marseille), Joseph Bœuf (Bras, Brignoles), Ferdinand Bain (Comps)

Principaux compositeurs contemporains : Maurice Maréchal, Maurice Guis, Bernard Ballester, Jean-Baptiste Giai, Miqueu Montanaro, Patrice Conte…

Principaux facteurs d'instruments anciens : Arnaud père et fils (Marseille), Grasset (Marseille), Long (La Ciotat), Ferdinand Bain (Toulon puis Paris), Marius Fabre (Barjols)...

Principales méthodes : Lemarchant (galoubet dit en dièses), Chateauminois (publiée à Paris 1802), Imbert (1830 Marseille), François Vidal (1864), Marius Sicard (1901), Alain Charasse 1941, Guis-Maréchal-Nazet (Fédération Folklorique Méditerranéenne 1964) , Marcelle Drutel (1977), Serge Sicardi (1994)...


PORTAITS


 Tistet Buisson :

Philippe-Jacques, dit Buisson dit Tistet est né à Draguignan en 1833. Tambourinaire, violoniste et chef d’orchestre, il découvrit le galoubet à travers « Lou tambourin » de F. Vidal. Il remporta plusieurs concours puis eut l’idée de monter pratiquer son art à Paris.

Grâce à l’aide de Mistral qui le recommanda à Daudet, il put se produire des 1860, accompagné par l’orchestre Littolf, puis enchaîna succès sur succès. Il se serait produit à Londres en 1873.

Auréolé de ses succès parisiens, il retourna alors en Provence où il dirigea les musiques municipales des Arcs et de Draguignan, exécutant des parties de soliste accompagné de ses musiciens.

Toutefois, ses tentatives de retour parisien ne connurent pas le même succès. Il sombra alors dans la folie et mourut en 1882. Il fut surnommé « le roi des tambourinaires ».

Tistet Buisson inspira Daudet pour créer le personnage de Valamjour dans Numa Roumestan.


 Marius Fabre :

Né à Barjols en 1909, ce tambourinaire et luthier a maintenu et développé la facture des galoubets et des tambourins durant le XX ème siècle. Elève d’Emile Bourre vers 1925, lauréat du concours à Marseille en 1929, il a transmis à Maurice Maréchal et Maurice guis la tradition des tambourinaires varois et marseillais.

Il participa à la création de la commission du tambourin, au Rode de Basso-Prouvenço, et à l’ensemble de tambourinaires au sein de la musique des Equipages de la Flotte de Toulon.

Mais c’est son travail de luthier qui a marqué les esprits. Pendant plus de 70 ans, il a réalisé des galoubets et des tambourins qui font référence et ont inspiré le travail de ses successeurs.

Il est décédé en 1999 à Barjols après avoir fabriqué plus d’un millier de galoubets.


CONNAISSANCES SOLFEGIQUES


Principe des harmoniques :

Le galoubet fonctionne sur le principe des harmoniques.

Cela se manifeste par le fait qu’avec un même doigté ( pour les acousticiens, une même longueur de tube), on peut faire plusieurs sons (jusqu’à six notes sur un galoubet).

Ainsi, la succession des harmoniques est : l'octave, la quinte, la quarte, la tierce majeure, la tierce mineure. Autrement dit, sur un galoubet, tous trous bouchés, on a MI bémol ( la note fondamentale), MI bémol, Si bémol, Mi bémol, Sol, Si bémol.


De la tonalité des galoubets :

Il existe différentes tonalités de galoubet selon leur taille. Principalement on retient le Galoubet en Ré grave, en SOL, en LA, en Si bémol, en SI, en Ut et en Ré aigu.

Le modèle le plus courant est appelé " galoubet en du ton de Si Saint-Barnabé ". Le galoubet « Saint-Barnabé » n'est pas accordé sur le diapason conventionnel actuel et de fait ne peut être joué que seul, avec lui-même.

Les flûtets (sauf celui en Ut) sont des instruments transpositeurs, c'est-à-dire que les notes lues et jouées ne sont pas celles entendues.

Exemples : Dire d'un galoubet qu'il est « en La » signifie que : lorsque ce galoubet joue un Do, on entend le La (du diapason, du piano). C'est un instrument transpositeur qui joue une tierce mineure en dessous (un ton et demi en dessous).

Dire d'un galoubet qu'il est " en Sol " signifie que : lorsque ce galoubet joue un Do, on entend un Sol. C'est un instrument transpositeur qui joue une quarte en dessous (quatre tons en dessous).

Application : Ainsi, un galoubet en La qui joue un morceau en Si bémol Majeur sera entendu en Sol Majeur.

De même, un galoubet en Ré qui joue un morceau en Si bémol Majeur sera entendu en Do Majeur.

Encore, un galoubet en Sol qui joue un morceau en Fa majeur, sera entendu en Do Majeur.


Récemment reconstitué le " flûtet baroque dit "en dièses ", était l'instrument utilisé tant à Paris qu'en Provence au cours du XVIII ème siècle. D'un accord différent, il exige l'apprentissage d'un doigté, légèrement changeant de notre actuel galoubet « en bémols ». Ce flûtet possède après transposition, une note de plus à l'aigu, que le galoubet actuel, mais sa tessiture n'est pas complète.

Son accord permet de jouer les modulations au ton homonyme, fort en vogue à l’époque baroque, c'est-à-dire de LA majeur à La mineur .

Le flûtet renaissance est reconstitution de la flûte à trois trous historique. Récemment retrouvé, il permet de jouer les musiques de la renaissance et du Moyen-Age. Il possède aussi un accord différent de notre galoubet. Il n’est pas transpositeur mais exige l’apprentissage d’une autre tablature.


Bibliographie :

Ce fascicule a été réalisé à partir de :

 M. Drutel, Nos instruments provençaux, Introduction théorique à une méthode de galoubet-tambourin, Aix-en-Provence-Cuers-1942-1962-1972 Inrdp-Crdp Nice.

M. Fabre Le galoubet-tambourin : Histoire, Texte manuscrit, 1969.

J-B. Giai Lexique de la musique pour galoubet et autres flûtes de tambourin, Edition 2005, Archemia

M. Guis, T. Lefrançois, R. Venture, Le Galoubet-tambourin, 1993 Edisud.

F. Vidal, Lou Tambourin, 1864, CPM.

Exposé théorique à l’usage des candidats au premier degré , et

Exposé théorique à l’usage des candidats au second degré , Ordre des tambourinaires, sous l’Egide de la Fédération Folklorique Méditerranéenne.

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